— Où suis-je ?
Émergeant du sommeil, Tony se sentait comme groggy. Allongé dans l’obscurité, le corps lourd et l’esprit embrumé, il avait du mal à reprendre pied dans la réalité.
— Quel jour sommes-nous ?
La question le taraudait, maintenant. Sans comprendre pourquoi c’était si important, tout à coup, il ressentait la nécessité impérieuse de savoir. Quel jour de la semaine pouvait bien démarrer dans d’aussi étranges circonstances ?
En même temps qu’un poids – lourd – sur la poitrine, il ressentait un vide dans ses entrailles. Plus qu’un vide, un gouffre. Un manque. Une sensation déroutante.
— Elle est morte !
La phrase, telle un météore, venait de traverser son cerveau. Tout à coup, l’évidence était là. Le vide semblait le grignoter de l’intérieur. Bientôt, il n’existerait même plus. Jetant ses dernières forces dans la bataille, il écarta la couette, s’assit sur le bord du lit et posa ses pieds par terre. Le sol était froid. Glacé, même. Avec une sorte de masochisme tremblant, il se délecta de cette sensation. Le froid irradiait ses jambes. Engourdissait ses orteils. Doucement, il se mit à trembler. Un éclat de rire muet le secoua avec force. Puis ce furent de longs sanglots secs…
Crispant les mains sur ses genoux, il s’employa à ralentir sa respiration. La placer au fond de son ventre, comme elle le lui avait appris. Alors, peu à peu, le vide sembla rétrécir. Lorsqu’enfin, il se leva, ce n’était plus qu’un point vaguement douloureux, caché quelque part au fond de lui-même.
— Elle est morte.
Cette fois, la phrase lui sembla douce. Il eut presque plaisir à la sentir couler dans sa gorge, rouler sous la langue.
— Elle est morte.
Un sourire un peu tremblant étira ses lèvres. C’était comme si le temps s’était soudain arrêté, et en même temps comme s’il avait accéléré. Les jours qui avaient précédé sa mort lui semblaient si proches… et si affreusement lointains. Comment était-il possible de vivre encore normalement après un tel séisme ?
À vrai dire, normalement était un mot bien exagéré pour qualifier sa nouvelle existence. Que pouvait-il y avoir de normal à passer ses journées avec cette phrase tatouée au plus profond de soi :
— Elle est morte.
Non, décidément, plus rien n’était normal dans cet univers sans elle. Ce trou noir dans lequel il se sentait couler sans fin.
Un pas après l’autre, mécaniquement, il se dirigea vers la salle de bains. Son reflet dans le miroir lui sembla totalement inconnu. Un étranger le fixait. Pourtant, à y regarder de plus près, c’était bien son visage. Ses yeux. Sa bouche. Pourquoi ne se reconnaissait-il pas ?
Elle est l’une des neuf nouvelles qui composent le recueil Circa mortem. La plus courte d’entre elles. Celle dans laquelle la mort est le plus présente.
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