Nous avons travaillé ensemble l’année dernière. Elle était alors en pleine forme, portant allègrement ses 82 printemps. Au fil des entretiens, elle – d’abord hésitante – s’était prise au jeu du récit de vie et s’était mise à écrire. Entre deux rencontres, elle m’envoyait ses textes, que j’intégrais aux miens, et c’est à quatre mains que nous avons fait sa biographie.
Aujourd’hui, elle est sous traitement – rayons et chimiothérapie – pour un cancer qui s’est déclaré il y a quelques mois et s’est développé à une vitesse étonnante. La fatigue est là. Le poids des ans aussi.
— Heureusement que nous avons fini, me dit-elle. Aujourd’hui, je n’aurais pas le courage…
Elle ne termine pas sa phrase, mais ce n’est pas nécessaire. Je comprends bien que la mort est là, en filigrane de ses jours, et que revenir sur son passé quand la fin de sa vie paraît soudain si proche, ce serait trop douloureux.
Elle hoche la tête.
— C’est bien que nous l’ayons fait.
Le ton est serein ; elle est prête à partir, s’il le faut.