Il y a des expressions tellement usuelles qu’on les prononce sans y penser. Sans s’arrêter une demi-seconde sur leur sens premier. Sur la façon dont elles peuvent résonner dans la tête et le cœur des personnes concernées.
Il en va ainsi de ces trois petits mots, tellement petits que l’un d’eux se résume à une seule lettre : né sous X.
Si, comme moi, vous avez la chance de ne pas être concerné par ces trois mots, vous les avez certainement déjà prononcés avec la légèreté et l’insouciance de l’évidence. C’est comme ça qu’on dit, non, quand une femme a accouché sans rien dire d’elle-même et en laissant son enfant derrière elle ?
Oui, c’est comme ça qu’on dit. Sans réfléchir.
– Vous n’imaginez pas comme c’est blessant ! X, c’est l’inconnu, l’abstrait, l’indéfini… mais c’est aussi le porno ! Ne me dites jamais que je suis née sous X !
La femme qui parle ainsi se bat depuis des décennies pour que les mots changent. Pour qu’à la violence d’une situation désespérante ne vienne plus s’ajouter la honte de se voir associer à ce qui s’éloigne le plus de l’amour inconditionnel de parents.
– Je suis née de parents dont je ne connais pas le nom. C’est assez frustrant comme ça, pas la peine d’en rajouter !
D’autant plus frustrant que si le dossier qui a été établi par l’administration à sa naissance contient des informations concernant ses géniteurs, elle n’a jamais eu le droit de les consulter. Plus d’un demi-siècle plus tard, la souffrance est toujours intacte.
Ne pas savoir d’où elle vient, avoir été montrée du doigt pendant toute son enfance comme étant de l’assistance publique, tellement peu fréquentable que même ses parents n’avaient pas voulu d’elle ! La coupe est plus que pleine ; elle déborde.
Travailler avec elle m’a fait prendre conscience du poids des mots. De ces mots en particulier. C’est tout de même un comble pour une biographe, non ?
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