Vous connaissez certainement Alexandre Jardin. Pour ses nombreux livres (Fanfan, Le Zubial, L’île des gauchers, Quinze ans après…) ou pour son association Lire et faire lire, dont les bénévoles retraités consacrent leur énergie à transmettre le goût de la lecture aux tout jeunes enfants.
Il a publié son premier roman à 20 ans et tous ses premiers livres ont été marqués par une légèreté, voire une superficialité, qui ne m’a jamais convaincue. Ses histoires d’amour flamboyantes ou romanesques me laissaient une impression de vide. Trop lisses malgré les rebondissements pour se faire une place dans ma mémoire.
Bref, je n’ai jamais été spécialement fan d’Alexandre Jardin…
Et puis, récemment, j’ai lu Des gens très bien. Ce livre a déjà plusieurs années puisqu’il est sorti en 2011, mais il m’a fallu du temps pour me laisser tenter à nouveau de goûter à cet auteur. Pourtant, tout de suite, j’avais été intéressée.
Un petit-fils qui s’interroge sur les activités de son grand-père pendant la Seconde guerre mondiale, qui raconte par quelles étapes il a dû passer pour tenter de reconstituer et de comprendre ce qui pouvait l’être… Cela ne pouvait que titiller la curiosité de la biographe !
Le grand-père en question étant Jean Jardin, chef de cabinet du Président Laval aux heures les plus noires du gouvernement de Vichy, la question centrale du livre est : savait-il où les Juifs étaient emmenés ? Jusqu’à quel point est-il responsable de l’organisation de la rafle du Vél d’Hiv ?
En arrière-plan, cette question aussi terrible qu’effrayante : comment des gens comme Jean (des gens très bien sous tous rapports, intelligents et cultivés) ont-ils pu à l’époque se laisser entraîner dans le système de la solution finale ?
Alexandre Jardin n’écrit pas là un livre historique. Même s’il a pour objectif d’être le plus vrai possible, il écrit avant tout une histoire familiale. Évoque un héritage particulièrement lourd à porter. Et pour la première fois j’ai trouvé de la profondeur dans ses mots. Pour la première fois, j’ai vraiment aimé l’un de ses livres.
J’ai aussi compris pourquoi il avait eu tellement besoin, avant de pouvoir écrire Des gens très bien, de s’enivrer de légèreté.
Alors, en refermant ces pages, je n’ai pas pu m’empêcher de me poser la question suivante : et si le Nain Jaune (comme était surnommé Jean Jardin) avait écrit son histoire ?
Nul ne peut dire comment son petit-fils l’aurait lue et comprise, mais une chose est certaine : elle aurait eu pour lui une valeur inestimable. Et il lui aurait été reconnaissant d’avoir dit sa vérité.
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Chère Florence,
Encore une fois, nous nous rejoignons sur une question. Moi aussi, j’ai laissé tomber Alexandre Jardin de longues années car je n’aimais pas beaucoup sa façon d’écrire, mais surtout je le trouvais trop pédant.
Puis, il y a eu Lire et faire lire, et j’avais grandement salué cette remarquable initiative de transmission de savoir par le biais de la rencontre inter-générationnelle.
Puis, ces dernières années, j’ai découvert – à la faveur de quelques interventions télévisées lors des dernières campagnes électorales – un Alexandre Jardin complètement différent, engagé, critique vis-à-vis de la société actuelle et surtout porteur de propositions. J’ai hésité à acheter son dernier livre, je crois LES TROIS ZEBRES. Là, s’agissant de celui-ci, je l’avais entendu évoquer cet héritage familial lourd à porter. Merci de me le rappeler car c’est une histoire qu’il me semble intéressant de découvrir. Bises
Bonsoir Patricia,
J’ai vu passer certains commentaires négatifs, considérant que ce livre était trop nombriliste, mais je n’ai pas eu cette impression. Sans doute parce que mon métier de biographe m’amène à poser un regard particulier sur ce genre d’histoire. En tout cas, personnellement, j’ai aimé ce livre et il m’a réconciliée avec le personnage de l’auteur. Je ne te souhaite rien d’autre 🙂
Florence