Cette histoire a commencé là : http://www.amotsdelies.com/blog/2013/07/andre-1/
Dehors, il fait encore froid en ce premier jour du mois de mars. La terre est durcie par les gelées, les arbres dénudés, mais un soleil timide éclaire la matinée. André et Solange partent d’un bon pas.
La gare est à moins d’un kilomètre de la ferme. Ils y seront vite.
Le trajet se fait en silence, chacun perdu dans ses pensées. André est enthousiaste à l’idée de démarrer une nouvelle vie, loin du village où il est né, mais aussi un peu inquiet : la guerre n’est pas finie ; qui sait ce qui peut arriver ?
De son côté, Solange est un peu envieuse. Elle qui n’a pas eu le droit de continuer ses études après le certificat ne pourra jamais devenir institutrice, alors que son frère est en train de faire le premier pas vers son rêve de quitter le travail de la terre pour devenir mécanicien.
Elle est inquiète, aussi. Et triste de voir s’éloigner ce frère aîné avec lequel elle s’entend si bien. La maison va être tellement vide sans lui…
Il n’y a pas grand-monde à la gare. On voyage peu, ici. André préfère ça : il n’a pas envie qu’on raconte partout que sa sœur est venue avec lui jusqu’au train. Comme s’il n’était pas capable de se débrouiller tout seul !
Solange le tire de ses pensées.
« Tu m’écriras, hein ?
— Bien sûr que je t’écrirai ! Toutes les semaines. Et même plusieurs fois par semaine. Ne t’inquiète donc pas… »
Sa sœur baisse la tête, confuse. André a compris qu’elle était inquiète. Elle en est toute gênée. Heureusement, l’autorail arrive, dissipant le malaise qui commençait à s’installer entre eux.
« Au revoir, dit André en touchant sa casquette après l’avoir embrassée.
— Au revoir » répond-elle tout aussi sobrement.
En deux enjambées, André monte dans le wagon. Il pose sa valise dans le filet à bagages, ouvre la fenêtre et s’accoude sur la vitre baissée.
« Quand est-ce que tu reviendras ? demande Solange.
— Laisse-moi d’abord partir ! rit-il. Après, je ne sais pas. On verra bien… »
Le coup de sifflet du départ retentit. Solange recule un peu pour s’éloigner des voies ; André enlève sa casquette et commence à l’agiter en signe d’adieu quand l’autorail prend de la vitesse.
« Au revoir ! » crie-t-il.
Solange lui fait signe de la main aussi longtemps qu’elle distingue le point noir de sa casquette à l’extérieur du wagon, puis elle reste encore un peu à écouter le bruit du train qui s’éloigne et disparaît.
Elle est seule sur le quai.
Dans l’autorail, casquette à nouveau vissée sur la tête, André savoure son indépendance toute neuve. Il ne va pas très loin (Issoudun ne se trouve qu’à une cinquantaine de kilomètres d’Argy), mais il y va seul et il va y entamer sa vie d’homme.
Trois semaines plus tôt, la lettre reçue du commandant de la base aérienne de Châteauroux l’avait empli d’allégresse : il pouvait s’engager. Pour trois ans.
Dès qu’il avait pu, il s’était présenté à la base pour signer tous les papiers. L’armée de l’air… Il allait intégrer l’armée de l’air ! Après ses classes, il deviendrait assistant mécanicien. Ensuite, peut-être, si tout se passait bien et s’il se montrait suffisamment compétent, mécanicien en titre.
Peut-être même pourrait-il apprendre à piloter ? Devenir pilote ? À cette idée, André ne peut retenir un sourire. Ses yeux se perdent dans le ciel bleu clair exempt de tout nuage. Son avenir est comme le ciel de cette fin d’hiver : lumineux et dégagé.
À suivre…
Il semble qu’il y ait des problèmes avec la saisie de commentaires sur les articles.
Affaire à suivre…
Exact !
J’ai essayé… sans espoir. 😉
Jean-Philippe Touzeau Articles récents..J’ai rendez-vous avec moi-même