Je viens chez Madame P. pour la dernière fois, un carton de livres sous le bras.

Comme toujours, c’est un moment particulier. Chargé d’émotion. Et comme souvent, Madame P. invente une stratégie pour ne pas le montrer.

– Vous prendrez bien un petit café ? me dit-elle, se précipitant dans la cuisine sans attendre ma réponse.

En son absence, je sors les livres du carton. Ils arrivent directement de chez l’imprimeur, encore sous plastique : j’aime laisser à mes clients le plaisir de les déballer.

À côté, j’ai posé les marque-pages qui vont les accompagner. Il y en a deux types différents, chacun réalisé sur la base d’une photo dont j’ai senti qu’elle était particulièrement importante.

C’est mon petit cadeau personnalisé 🙂

Revenant de la cuisine, deux tasses en main (« Je vous ai mis un sucre, comme d’habitude ! ») Madame P. prend le temps de s’asseoir et de boire une gorgée de café avant de poser les yeux sur ses livres.

Puis, sans un mot, elle les délivre de leur gangue de plastique, caresse doucement une couverture, parcours les pages de photos… Ensuite, elle prend le temps de lire à voix haute le poème de sa composition qu’elle a choisi de mettre en préambule de son histoire.

Finalement, elle me regarde.

– Vous savez que je n’ai pas eu de fille et que cela ne m’a jamais manqué : je me suis toujours sentie beaucoup plus à l’aise avec les garçons. Mes trois fils m’ont comblée… Mais maintenant, après ce temps passé avec vous…

Le sourire qu’elle m’adresse me fait chavirer le cœur.

– Je crois que j’aurais aimé avoir une fille, finalement !