14

Vous le savez, j’ai découvert il y a quelques mois les livres audio distribués par Audiolib.

Cette semaine, sur la route qui me conduisait vers une cliente, j’ai écouté 14, de Jean Echenoz.

14, comme la guerre de 1914.

Le texte est court (lu par l’auteur lui-même, il ne dure que deux heures et demie) mais restitue remarquablement bien le quotidien des soldats au cours de la Première guerre mondiale.

Au départ, ils sont cinq jeunes hommes à partir, mobilisés dès le premier jour et persuadés d’être bientôt de retour :

– Ce sera l’affaire de quinze jours, tout au plus.

L’ambiance est bon enfant. On s’amuse presque du premier défilé en tenue de soldat. Dans son premier discours, le capitaine assure même que tout le monde reviendra… à condition de s’astreindre à un minimum d’hygiène !

Et puis le temps passe. On découvre les combats, les tranchées… Les obus qui déchiquètent les hommes, les transformant en « fragments de chair militaire […] que se disputaient les rats ».

Dès lors, on commence à espérer la « bonne blessure », celle qui (vous handicapant, bien sûr, mais pas trop) assure « d’être à jamais éloigné du front ».

Plus que les faits d’armes et les grandes batailles, ce qui peuple le texte de Jean Echenoz, ce sont les objets du quotidien : les casques trop visibles qu’il faut recouvrir de boue, les godillots qui ne supportent pas la boue des tranchées, le singe en boîte… ou l’alcool que l’état-major se met vite à distribuer sans compter car « enivrer le soldat concourt à amplifier son courage et, surtout, diminue la conscience de sa condition ».

Il y a aussi les animaux, dont toutes les espèces vont finir au fil du temps et des privations par se révéler comestibles. En tout cas tant qu’ils ne seront pas éliminés par les gaz toxiques. Et puis les perpétuels adversaires : le pou et le rat. Presque plus redoutés que « ceux d’en face »…

Les cinq du départ ne reviendront pas tous, bien sûr. Comment s’en étonner ?

14 m’a beaucoup touchée. D’autant plus que la voix de l’auteur, un brin monocorde, contient juste ce qu’il faut de douceur et de gravité pour vous faire voyager dans ces années de peur et de plomb.

J’ai même écouté le livre une seconde fois, tout en scannant des cartes postales de cette époque : celles que mon grand-père paternel, soldat du 9e escadron du train, envoyait à sa famille. Les mots de Jean Echenoz leur ont donné un relief tout particulier…