Les 15 derniers jours (16)

Cette histoire a commencé là : http://www.amotsdelies.com/blog/2012/12/les-15-derniers-jours-1/

D'autres systèmes solaires ?

Glissant sa main sous le bras de la jeune fille, Ambroise se met à déambuler dans la serre à ses côtés. On dirait deux amis qui seraient venus au jardin botanique pour s’extraire de la fraîcheur extérieure.

« Je ne suis pas ce que vous appelez un messager, commence-t-il. Mais je suis porteur d’un message.

— La nuance est subtile, s’étonne Éloïse.

— Subtile, mais importante. Je dirais même fondamentale. Ceux que vous appelez (ou qui se font appeler) les messagers n’ont pas d’explications à fournir. Pas de chemin à vous montrer. Ils font de grandes phrases, galvanisent les foules… Mais ils sont tout aussi perdus que ceux qu’ils prétendent guider.

— Parce que toi, tu n’es pas perdu ?

— Non, sourit le jeune homme. Je sais exactement ce que je fais là, où je vais, et ce qui va se passer le 21. »

Les deux jeunes gens continuent à marcher en silence. Éloïse a du mal à digérer ce qu’elle vient d’entendre.

Comment peut-on savoir exactement ce qui va se passer cinq jours plus tard ? Comment peut-on faire preuve d’autant de sérénité ? De certitude ?

De nouveau, elle fait face à Ambroise.

« Qui es-tu ?

— Je suis un émissaire de Primaterra.

— Primaterra ? Qu’est-ce que c’est que ça ?

— C’est la mère de toutes les Terres. Toutes les planètes Terre, je veux dire. »

Lentement, Éloïse se frotte les yeux. Est-elle bien éveillée ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Comme s’il y avait plusieurs planètes Terre…

« La Terre est unique, murmure-t-elle douloureusement.

— C’est ce que vous croyez, répond doucement son compagnon. Mais ce n’est pas le cas. »

Ambroise explique alors comment certains systèmes planétaires, au fil du temps, se sont dédoublés. Multipliés, comme les cellules d’un être vivant, chacun donnant naissance à deux fils identiques.

« Le système solaire a été l’un des premiers. Et c’est celui qui s’est dédoublé le plus grand nombre de fois.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je veux dire qu’il existe plusieurs systèmes solaires et que chacun d’entre eux comporte une planète Terre. »

 

La tête d’Éloïse commence à lui tourner. Est-ce la chaleur de la serre tropicale ou le discours d’Ambroise ? Celui-ci s’excuse presque.

« Je sais : c’est difficile à concevoir… »

Tu parles, Charles !

Plusieurs systèmes solaires, rien que ça. Chacun avec sa Terre… Et Primaterra, alors ? C’est qui, celle-là ? Et qu’est-ce qui va arriver à notre Terre le 21 ? Et aux autres ?

« Primaterra, c’est la première Terre. La mère de toutes les autres, en quelque sorte. Elle est la seule à les connaître toutes.

— Tu en parles comme de quelqu’un… Une planète, ce n’est pas une personne !

— Non, mais c’est un système. Une entité à part entière. Qui connaît tous ses habitants. Et toutes leurs autres versions. »

D’autres versions ? Dans l’esprit de la jeune fille, des tas d’images se forment, toutes plus folles les unes que les autres. Plusieurs Manues, plusieurs Jérémys… Plusieurs Éloïses ! Chacun, chacune, sur sa petite planète Terre, persuadé(e) d’être unique.

« C’est du délire…

— Non, rétorque Ambroise en secouant la tête, c’est la vérité.

— Toi aussi, tu es multiple ?

— Non, moi, je te l’ai dit, je suis un émissaire de Primaterra. Je n’existe sur aucune autre Terre. Mais je peux me déplacer de l’une à l’autre. Celle-ci (la tienne) va bientôt disparaître. Mais vous pouvez rejoindre votre vous originel, sur Primaterra. Il faut juste le décider… Et faire confiance aux émissaires.

— Pourquoi est-ce que tu me racontes tout ça ?

— Parce que tu m’as cherché. Tu as compris les signes. »

Ambroise hoche la tête, l’air déçu.

« Vous n’êtes pas nombreux dans ce cas…

— Pas nombreux ? questionne la jeune fille.

— Non. Pourtant, nous avons envoyé des signes à tous les Terriens. Pour qu’ils se rapprochent de nous. Nous sommes les portes d’entrée vers vos vous originels. Sans nous, vous ne pouvez pas partir.

— Et… Combien avons-nous été, à comprendre les signes, comme tu dis ? »

Ambroise secoue la tête. Son large sourire s’est complètement effacé.

« Je ne peux pas te le dire. D’ailleurs, rien n’est sûr. Tant que le 21 décembre n’est pas passé, on ne peut pas vraiment savoir. Mais pour partir, il faut avoir reconnu les signes. Et nous avoir reconnus aussi. Manifestement, vous n’êtes pas très doués pour ça…

— Mais je ne suis pas la seule, ici ?

— Non, tu n’es pas la seule. Mais je ne connais pas tout le monde, prévient Ambroise avant qu’elle ne lui pose plus de questions. »

Éloïse reste muette. Immobile. Mais dans sa tête, c’est l’effervescence. D’autres elles sur d’autres Terres ? La possibilité de rejoindre son « moi originel » avant qu’il ne soit trop tard ? Comment imaginer une chose pareille ? Elle a beau ne pas tout rationaliser comme Jérémy, elle a du mal à trouver l’idée vraisemblable.

 

« Une dernière chose : pour pouvoir rejoindre Primaterra avec moi, il faudra que tu le veuilles vraiment. Que tu y croies au plus profond de toi. Et que tu te décides avant le chaos final. Quand cette Terre disparaîtra, si tu n’as pas encore rejoint ton toi originel, tu disparaîtras aussi.

— Et mes autres mois ?

— Ils continueront à exister sur leur propre Terre, sans savoir qu’une version d’eux-mêmes a disparu, ailleurs. »

À suivre

 

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