Cette histoire a commencé là : http://www.amotsdelies.com/blog/2012/12/les-15-derniers-jours-1/
La jeune fille se rassure en se disant que cette fois, elle n’a pas vu de CRS. Et puis, le fait que les coupables aient été aussi rapidement identifiés tend aussi à faire penser qu’ils ne pourront pas renouveler leur exploit.
« De toute façon, je n’ai rien de mieux à faire… Et puis, c’est encore là que j’ai le plus de chance de revoir Ambroise. »
D’ailleurs, pour être sûre de mettre toutes les chances de son côté, Éloïse a pris de l’avance. Elle veut pouvoir voir toutes les personnes qui feront le déplacement. Toutes, sans exception.
Si Ambroise passe par l’amphi A, elle lui tombera dessus avant qu’il ait eu le temps de se volatiliser.
Installée à quelques mètres de la porte d’entrée, à l’extrémité d’une rangée de sièges, elle se sent comme dans des starting blocks : prête à jaillir. À deux doigts de l’asphyxie à force de retenir son souffle.
Ça y est, l’amphi est plein. On se presse encore à la porte, mais il n’y a plus moyen d’entrer. Dépitée, Éloïse retrouve une respiration normale.
Pour une fois, ce n’est pas Manue qui a pris le micro, mais un petit mec blond dont la voix grave et chaude pétrifie tout le monde : en quelques secondes, un silence irréel s’est abattu sur le public.
« Dans huit jours, nous serons le 21 décembre. Mais pas n’importe quel 21 décembre ! Le 21 décembre 2012. Celui qui marque la fin du cycle du temps…
— Et le temps, c’est de l’argent ! » ironise quelqu’un à voix basse du côté de la porte.
C’est toujours comme cela dans les meetings : les moins convaincus restent à la porte. Ils veulent pouvoir s’éclipser facilement. Du coup, c’est toujours de là que proviennent les commentaires douteux et les sarcasmes.
Éloïse est agacée par cette remarque. S’il ne veut pas écouter, qu’est donc venu faire ici celui qui vient de parler ? Pour le repérer, elle se tourne vers la porte. Fouille du regard le groupe compact qui s’est formé dans le couloir… et manque de s’évanouir en reconnaissant un visage.
Ambroise.
Ambroise est là, mais elle sait qu’elle n’arrivera pas à l’atteindre : dans cette foule, il est tout simplement impossible de se mouvoir.
Le regard désespérément agrippé à lui, elle n’écoute même plus ce qui se dit dans l’amphi.
Seul compte ce visage inaccessible.
Petit à petit, l’amphi se vide. De quoi a-t-il été question ? Éloïse ne saurait le dire : quand elle a vu Ambroise, c’est comme si ses neurones s’étaient totalement déconnectés. Comme si elle avait coulé à pic au fond d’une piscine.
Elle n’a plus rien vu, rien entendu…
C’est le silence qui a suivi l’intervention des messagers, le retour du brouhaha, puis le mouvement des gens vers la sortie qui l’ont peu à peu tirée de sa léthargie.
Bien sûr, Ambroise a disparu…
Éloïse reste assise, mentalement épuisée comme quelqu’un qui aurait frôlé la mort. Alors qu’elle tente de se remettre, le visage enfoui dans ses mains glacées, elle sent une pression sur son épaule.
C’est Manue. Elle a l’air inquiet.
« Ça va, Élo ? Tu te sens bien ?
La jeune fille lance un regard perdu à son amie.
« Pas vraiment, non, articule-t-elle doucement. Je n’en peux plus de courir après Ambroise et de le rater à chaque fois. »
Manue se montre compréhensive, ce qui n’est pas tout à fait dans ses habitudes.
« Je sais, dit-elle simplement. En plus, il ne reste pas beaucoup de temps pour le trouver.
— Non. Pas beaucoup. »
Éloïse sourit tristement. Il y a une semaine, elle n’avait jamais entendu parler d’Ambroise. Aujourd’hui, il est devenu une obsession, au point que sa vie entière tourne autour de lui. Si elle se regardait avec les yeux d’un autre, elle serait morte de rire. Ou désolée…
« Qu’est-ce que tu as pensé du meeting ? demande Manue.
— Rien de spécial… En fait, avoue Éloïse, je n’ai pas écouté grand-chose.
— C’est bien ce qui me semblait… Sinon, tu ne serais pas restée assise, comme ça !
— Pourquoi ? Il s’est passé quelque chose de spécial ?
— Un peu, mon neveu ! On vient de créer un mouvement : MNM, les Messagers du Nouveau Monde.
— Et… Ça consiste en quoi ? Vous êtes déjà les messagers. »
Manue lève les yeux au ciel.
« Les Messagers du Nouveau Monde, c’est différent. Ça veut dire qu’on a bien l’intention d’être là le 22 et de repartir de zéro. Puisqu’on entame un nouveau cycle, autant faire preuve d’imagination, non ?
— Vous ne croyez plus à la fin du monde, alors ?
— Élo… Tu sais bien que ce n’est pas aussi simple ! »
Pendant quelques instants, les deux amies restent silencieuses. Puis Manue pousse doucement Éloïse vers la sortie.
« Rentre chez toi. T’es une vraie zombie, là. Il faut que tu te reposes.
— T’as raison. Demain, il fera jour… Enfin, peut-être ! »
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