Monsieur R. n’a pas le moral aujourd’hui. Une vieille douleur à l’épaule s’est réveillée et l’a empêché de dormir. Il la sent, tapie dans son articulation. Qu’il s’active dans son petit jardin ou qu’il reste assis dans son fauteuil à regarder la télévision, elle est là. Sourde. Tenace. Pour ne pas dire emm…ante !
– À mon âge, c’est normal d’avoir mal un peu partout, s’excuse-t-il. Mais c’est fatigant.
Lui d’habitude enjoué et souriant, toujours prêt à plaisanter, me regarde aujourd’hui d’un air grave.
– J’ai 90 ans, vous savez. Autour de moi, il n’y a plus personne de ma génération. Alors vieillir encore, à quoi bon ? Pour continuer à voir mourir de plus jeunes que moi ?
Il prend néanmoins la peine de me rassurer : jamais il n’attentera à ses jours. Mais la mort ne lui fait pas peur. Au contraire, il l’attend. Ils se sont entr’aperçus souvent, tous les deux. Il saura la reconnaître. Et l’accueillir comme il se doit.
– Ce sera ma dernière copine !
D’en parler lui redonne même le sens de l’humour.