Après le décès de ses parents, comme souvent dans ces cas-là, sa sœur et elle ont vidé la maison. Il y avait là des meubles, des objets utilitaires, des vêtements, des livres… et de vieux papiers.
Parmi eux : le livret de famille des grands-parents paternels.
– En le regardant, nous avons découvert que notre père avait eu une petite sœur dont il ne nous avait jamais parlé. C’est tout de même étrange, non ?
Le plus étonnant, c’est que la déclaration de cette naissance n’a pas été signée par un officier d’état-civil, ni officialisée par un coup de tampon. Comme si on s’était amusé à ajouter à la famille un enfant qui n’existait pas !
– Je me suis renseignée à la mairie du village ou mon père et mon oncle sont nés : il n’y a pas trace de cette petite sœur…
Ce mystère la tracasse, mais ne nous empêche pas de continuer à travailler.
Le lendemain, en reprenant mes notes pour rédiger le texte de sa vie, je réalise que la date de naissance indiquée sur le livret de famille correspond à la période au cours de laquelle les grands-parents étaient installés en Algérie.
Il n’en faut pas plus pour réveiller mon enthousiasme de généalogiste amateur !
Quelques recherches sur Internet plus tard, tout s’explique : l’absence de signature et de tampon sur le livret de famille et le fait que le père n’ait jamais évoqué sa sœur. Elle est en effet bien née en Algérie… et morte quatre jours plus tard. Sans avoir eu le temps de marquer durablement la mémoire de son grand frère.
– Je me doutais bien que c’était quelque chose dans ce genre-là, me dit-elle lorsque je lui amène la copie des actes correspondants, mais je suis contente d’en être sûre.
Parce qu’une question qui trouve sa réponse, c’est un peu de poids en moins sur les épaules 🙂
Nombre de familles se construisent et évoluent autour d’un secret qu’au détour d’une maladie ou d’un décès d’un ancien, les plus jeunes découvrent souvent avec consternation; Mais, le découvrir ne donne pas pour autant les « clés » pour le comprendre et pour comprendre le silence de plusieurs générations avant soi.
D’où, de mon point de vue, l’intérêt et l’importance d’un récit de vie ou d’une biographie qui, bien souvent, permet au plus âgé ou, pour le moins, à « celui qui sait » de se mettre au clair vis-à-vis de cette histoire cachée et ainsi d’aider les plus jeunes à se construire (parfois même à se reconstruire) et à évoluer en toute connaissance des tenants et aboutissants.
Quid du rôle du biographe dans ce cas de figure ? Tout d’abord, respecter le désir de son client (de dire ou de ne pas dire) mais dans l’hypothèse du choix de dire, aider celui-ci à « accoucher » de ce secret, être ce facilitateur, cet intermédiaire neutre qui, avec précaution permettra aux mots de trouver leur chemin.
Bonjour Patricia,
Nous sommes bien d’accord : le choix de la personne qui sait (de dire ou de ne pas dire) doit être respecté. Cela dit, je pense aussi que très souvent elle ne réalise absolument pas que le doute et le questionnement peuvent être incroyablement destructeurs. Parfois (souvent ?) plus que la connaissance de la vérité.
N’est-ce pas quelque chose que le biographe doit rappeler ? Parfois, je me pose la question…
Bien amicalement
Florence