Comme la plupart des gens qui égrènent leurs souvenirs devant moi, Monsieur C. a longuement évoqué ses jeunes années. L’école (souvent buissonnière), la chasse à la fronde (qu’il pratiquait seul lorsque ses camarades étaient en classe), le braconnage (dont son grand-père maternel lui avait appris toutes les ficelles)…
Il m’a raconté comment, son père ayant été fauché sur le champ de bataille avant d’avoir pu épouser sa mère, il avait dû porter, tout jeune, l’étiquette peu flatteuse (bien que délicate) d’enfant « naturel ». Étiquette qui serait remplacée, quelques années plus tard, après que sa mère ait été emportée par une mauvaise fièvre, par celle d’orphelin.
— C’est malheureux à dire, mais ma vie est devenue plus facile après ça. Un enfant naturel, on s’en méfiait toujours un peu, il avait forcément quelque chose de « mauvais » en lui. Alors qu’un orphelin, ça attirait la sympathie !
Les grands-parents maternels avaient pris le jeune garçon en charge et il avait habité chez eux jusqu’à son départ pour le service militaire.
— Mon grand-père m’a remis sur les rails. Il braconnait peut-être, mais c’était pour se nourrir, pas pour faire du commerce. Il avait le sens de l’honneur et il m’a empêché de faire des conneries.
Monsieur C. n’en finit pas de vanter les louanges de l’homme qui l’a élevé. Et se rembrunit soudain lorsque j’évoque l’épouse de celui-ci, sa grand-mère.
— Ma grand-mère ? C’était une garce.
Sur le moment, il n’en dit pas plus. Pourtant, je sens qu’il est prêt à le faire. D’ailleurs, il me le confirme :
— Je vous en parlerai. Plus tard.