J’écris toujours les histoires de vie que je rédige à la première personne du singulier. Ce fameux « je » qu’on utilise le plus souvent sans y penser, mais qui a parfois bien du mal à sortir.

En l’occurrence, je n’ai jamais ce problème puisque le « je » que j’écris n’est pas le mien. Il me touche donc peu. Mais la difficulté est ailleurs, puisqu’il s’agit de restituer la personnalité du véritable auteur de l’histoire, à savoir la personne qui me raconte sa vie.

Madame N. est une vieille dame de presque cent ans, toute menue, souriante et malicieuse. Sa mémoire lui fait souvent défaut et elle chantonne volontiers « j’ai la mémoire qui flanche ; je ne me souviens plus très bien… »

C’est un réel plaisir de l’écouter parler de son défunt mari et de ses aventures de jeunesse. Même si elle a connu des drames (comme tout un chacun au cours d’une très longue vie) elle les évoque avec légèreté et a su garder un sens de l’humour assez prononcé.

– Je suis quelqu’un d’assez gai, me dit-elle souvent.

Elle ne rechigne pas non plus devant les petits plaisirs de la vie et ne me laisse jamais partir sans qu’avec sa fille elles ne m’aient offert l’apéritif : un guignolet ou une liqueur de gentiane maison, avec des petits gâteaux. Pas des chips : elle n’aime pas cela…

Pour restituer son histoire, il faut donc une écriture aussi légère que sa main sur mon bras et des anecdotes qui fassent retentir son rire dans la tête de ceux qui liront son livre.

Sa petite-fille, qui est à l’origine de la demande de rédaction, est la première destinataire de mon texte. Elle me fait un retour enthousiaste :

– J’ai l’impression de l’entendre parler ! C’est exactement sa manière de raconter !

Pourtant, il ne s’agit absolument pas d’une transcription in extenso de nos entretiens, mais bien d’un texte dans lequel j’ai voulu restituer l’essence même de cette merveilleuse vieille dame.

Apparemment, je ne me suis pas trop mal débrouillée 🙂

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