Il y a de grandes démonstrations de désespoir qui ne reflètent pas grand-chose. A contrario, il en est d’autres, bien plus subtiles, qui vous crèvent le cœur…
Lorsqu’on décide de raconter sa vie, il arrive que le désespoir s’invite autour de la table de travail. Il arrive aussi qu’il y prenne beaucoup de place.
Je travaille avec Monsieur C. depuis six mois et nous nous sommes vus de façon irrégulière. Parfois, il avait peu de choses à me raconter. Juste envie de me voir, de reprendre certains éléments du texte et de préciser des détails. Bon an mal an, nous avons quand même avancé, mais en survolant les événements.
Aujourd’hui, il a l’impression d’avoir fait le tour de la question et de ne plus rien avoir à dire. Je suis persuadée du contraire : il s’est clairement focalisé sur les événements douloureux de sa vie, omettant tout le reste. Aussi, je l’aiguille doucement dans cette direction.
– Vous avez bien de bons souvenirs ?
– Oui, bien sûr. Comme tout le monde.
– Alors, il faut me les raconter !
Il me regarde longuement, hésite… Manifestement, il fouille dans sa mémoire. Sans succès. Il en a l’air tout désemparé. Je tente alors de le rassurer.
– Vous y penserez pour la prochaine fois, dis-je simplement.
Un instant soulagé, il hoche la tête. Griffonne sur un bout de papier, l’air songeur.
– Il faut que je retrouve des bons moments… murmure-t-il pour lui-même.
Le ton est neutre, mais le regard complètement perdu. Trouver du positif dans le fatras de ses souvenirs semble s’apparenter à une mission impossible. Comme si ses bons moments, qu’il a pourtant manifestement vécus, s’étaient dilués dans une masse informe et négative.
Au moment de le laisser à sa quête douloureuse, j’ai le cœur bien lourd…
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Ah, c’est dommage… On veut la suite ! 😉
Jean-Philippe Touzeau Articles récents..Les dettes ne sont pas une fatalité
Bonsoir Jean-Philippe,
Tu sais quoi ? À chaque tranche de vie que j’écris, je pense à toi… et au manque que tu vas ressentir ! Tu me fais culpabiliser 😉
Florence
Pas de culpabilité ! Tu le fais à ta façon et c’est à chaque fois très prenant. 😉
Jean-Philippe Touzeau Articles récents..La parabole du joint
Bonsoir Jean-Philippe,
Eh si, quand même, un fond… Sur le mode « je devrais » ou « il faudrait que »…
Mais là, ce mois-ci, j’ai d’autres priorités : je nanote 🙂
Florence
Bonsoir Florence,
Écrire l’histoire de sa vie est une sacrée aventure.
La réaction de cette personne déclenche en moi la réflexion de me dire que je serais surement dans la même situation.
Coucher sur le papier les mots de son passé n’est certes pas anodin. Revoir sa vie déclenche des réactions pas toujours maitrisables.
Les évènements douloureux peuvent parfois « embouteiller » notre pensée. Dans chaque vie il y a forcément des moments heureux, aussi insignifiants puissent-ils paraitre au premier abord mais oh combien important dans nos vies.
Nous sommes là surement dans une situation ou la personne doit dépasser ces moments douloureux. Ce que je peux comprendre totalement (ca n’engage que moi).
J’aime lire ce genre de billet, merci Florence.
Amicalement,
Hélène
Helene@Objectif-Reussite Articles récents..Attitude honnête vaut mieux que mensonge…
Bonsoir Hélène,
J’aime quand on aime ce que j’écris et qu’on me le dit ! Merci à toi 🙂
En l’occurrence, je n’ai pourtant pas beaucoup de mérite puisque je ne fais que raconter ce que je vis, même si je suis bien consciente du fait que c’est le regard que l’on porte sur les choses (et sur les gens) qui fait une bonne partie de leur valeur.
Je pense effectivement que lorsqu’on se lance dans l’aventure du récit de vie, on est loin de tout maîtriser. La difficulté qu’a cet homme à se souvenir des bons moments qu’il a passés en est un exemple. C’est aussi le signe d’une personnalité plus attirée par le verre à moitié vide que par le verre à moitié plein… En tout cas, cela me conforte dans l’idée qu’il est vital de faire le point chaque soir sur les points positifs de sa journée : c’est par l’entraînement que le bonheur se forge 🙂
Belle nuit à toi
Florence
Bonsoir Florence,
Ah ce verre à moitié vide, comme il est pesant. Décidément je préfère le verre à moitié plein…
Pas beaucoup de mérite de raconter ce que tu vis ? Curieux, c’est justement cela qui m’intéresse, le récit, dire les mots sans artifice…Ce n’est pas toi qui ira me contredire je pense…
Belle soirée,
Hélène
Helene@Objectif-Reussite Articles récents..Devenir ambitieux au détriment des valeurs humaines
Bonjour Hélène,
Je vote aussi pour le verre à moitié plein. À savourer jusqu’à la dernière goutte 🙂
Et lorsque je dis que je n’ai pas beaucoup de mérite, c’est dans le sens où je n’invente rien. Je ne construis pas une tranche de vie en me disant qu’elle va plaire ; je la trouve dans mon quotidien !
À bientôt 🙂
Florence
Bonjour Florence,
Comme d’habitude, superbe texte qui l’air de rien en dit beaucoup sur la difficulté de dire chez le « client », mais aussi de la capacité d’écoute du non-dit de la part de l’écrivain biographe.
Amicales salutations.
Patricia
Bonjour Patricia,
Merci pour ton commentaire 🙂
La mise en mots de ses propres émotions est rarement facile, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. C’est pour cela que nous sommes là : pour écouter, ressentir et traduire. Si nous étions des peintres, nous serions sans doute à classer dans les impressionnistes ^^
Bonne fin de semaine à toi
Florence