Cette histoire a commencé ici.
« Eh, doucement ! s’insurge à côté d’elle une fille à laquelle elle s’accroche pour tenter de voir au-dessus de la foule.
— Désolée, je dois faire le tour… »
Un regard… Le visage d’Ambroise est toujours là, levé vers Manue, étonnamment sérieux.
Jouant des coudes et des pieds, hermétique aux cris et aux injures, Éloïse se fraie un chemin dans la foule. Les vibrations chatouilleuses ont disparu. Reste une sensation d’étouffement, l’impression de se mouvoir au ralenti (l’exact contraire de la veille au matin, dans la rue) et une angoisse grandissante.
Derrière Manue, il n’y a plus personne.
Façon de parler, bien sûr : la pièce est toujours bondée. Mais Ambroise a disparu. Éloïse se sent prise de vertige.
« Ça va, Élo ? Tu as l’air bizarre. »
Manue est descendue de sa table. Les messagers se dispersent lentement, comme des bulles de savon soufflées par un enfant. Éloïse se sent au bord des larmes et de la crise de nerfs.
« Non, articule-t-elle péniblement, ça ne va pas du tout. Il se passe des choses bizarres dans ma tête… »
Son interlocutrice la prend par le bras et l’entraîne à l’écart, près des fenêtres. Dehors, le soleil a fini par percer les nuages. Tout a une fin, même les jours gris.
« Qu’est-ce qu’il y a de bizarre ? interroge Manue.
— Je vois un mec.
— Moi, j’en vois plein, tout le temps. Tu ne l’as peut-être pas réalisé, mais la moitié des êtres humains, environ, sont des mecs !
— Très drôle…
— Avoue que tu n’es pas très claire.
— C’est vrai, mais je… C’est tellement… Too much ! Je n’y pige rien… Mais au fait, toi qui connais quasiment tout le monde sur ce campus, Ambroise, ça te dit quelque chose ?
— Amboise ? Oui, c’est un château, sur les bords de la Loire.
— Mais non ! s’énerve Éloïse, pas Amboise, Ambroise. Avec un « r » !
— Ambroise ? Ça se mange ? »
Éloïse appuie sa tête sur la vitre en soupirant. Décidément, Manue le fait exprès…
« C’est un prénom », se sent-elle obligée de préciser.
La fraîcheur du verre sur son front lui fait du bien. Il faut bien que l’absence d’isolation des locaux ait du bon de temps en temps… En tout cas, son désarroi est suffisamment évident pour que Manue redevienne sérieuse.
« Non, dit-elle doucement en lui prenant le bras, je ne connais pas d’Ambroise sur le campus. C’est lui que tu vois ?
— Oui. Je ne l’avais jamais croisé avant ce meeting, hier, dans l’amphi B. Mais ça fait deux fois que je le vois… et qu’il disparait sans laisser de trace.
— Effectivement, c’est bizarre. »
Le ton de la jeune fille est pour le moins ironique.
« Tu ne me crois pas, dit Éloïse.
— Avoue qu’il y a de quoi ! se défend Manue. Les gens ne se volatilisent pas comme ça.
— Pourtant, c’est le cas. Et je suis sûre que ça a un sens. Toi-même, tu l’as dit hier, dans l’amphi : il n’y a pas de coïncidences, juste des signes qu’il faut savoir interpréter. »
Manue lève les yeux au ciel.
« Il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre, non plus…
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Quand je fais le show, c’est surtout pour rire. Pour le plaisir de voir le pouvoir qu’on peut prendre sur les gens en trois phrases.
— Le show ? Tu veux dire que pour toi c’est un spectacle ? Une mise en scène ? Mais c’est dégueulasse !
— Oh, t’énerve pas. Il faut bien profiter des occasions qui se présentent… C’est bientôt la fin du monde, je te rappelle ! »
Un éclat de rire moqueur ponctue la phrase. C’en est trop pour Éloïse : elle quitte la bibliothèque à grandes enjambées.
Signe manifeste de son énervement, ses talons claquent encore plus sur le sol qu’à son arrivée. Mais cette fois elle s’en moque : la colère lui obstrue littéralement les tympans.
« Il faut que je dresse un plan d’attaque ».
De retour chez elle dans la soirée, Éloïse est redevenue la jeune fille énergique et organisée qu’elle a toujours été.
Postulat un : Ambroise existe. Deux : il fréquente l’université. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne fréquente que l’université. La logique voudrait même qu’il habite quelque part ailleurs. Dans l’une des résidences du campus ? Pourquoi pas. Il faudra penser à chercher par là.
S’il est inscrit à l’université, il doit y avoir une fiche le concernant au secrétariat. Mais comment mettre la main dessus ? Ces informations sont confidentielles…
Jérémy aura sûrement une idée : en plus d’être cartésien, il est aussi ingénieux. Et il adore les casse-têtes !
Sitôt pensé, sitôt fait : Éloïse est déjà en train de frapper à sa porte.
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Jean-Philippe Articles récents..La femme sans peur (27)
Bonjour Jean-Philippe,
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Florence