Cet article s’inscrit dans le cadre du défi Dix mots, dix blogueurs. Aujourd’hui, le mot chez.
Antoinette a beaucoup voyagé. Vive et pétillante malgré (ou grâce à) ses quatre-vingts printemps, elle a entrepris de me raconter ses aventures.
D’abord, une enfance heureuse en Algérie. Avant les « événements ».
Ensuite, elle a épousé un diplomate, qu’elle a suivi (selon sa propre expression) dans tous les bouts du monde imaginables, au gré de ses affectations.
– Chez moi, il y avait toujours du monde. Des amis, de la famille, les domestiques… La maison était pleine. Mon mari était comme cela : il lui fallait du mouvement autour de lui.
Dans tous ses déménagements, j’ai un peu de mal à la suivre. Je reviens sur mes notes, hésite un peu, puis lui demande :
– Mais c’était où, chez vous ?
Elle me regarde alors, mi-amusée, mi-scandalisée :
– Mais voyons, chez moi, c’était chez lui ! Quel que soit l’endroit où il se trouvait !
Puis, hochant la tête d’un air désolé :
– Vous, les jeunes, vous ne savez plus ce que c’est, que de se vouer corps et âme à quelqu’un.
Une question me brûle les lèvres. Pourtant, j’hésite longtemps avant de la poser. Finalement, je me lance.
– Et aujourd’hui qu’il n’est plus là, c’est où ?
L’air soudain très sérieux, Antoinette se penche vers moi.
– Aujourd’hui, chez moi, cela n’a plus de sens. À part, peut-être, dans son souvenir. Qui sait ?
Qui sait, en effet ?