Monsieur C. est toujours plein d’humour et nos entretiens sont régulièrement émaillés d’éclats de rire qui me font rire une seconde fois lorsque j’écoute mes enregistrements. Mais aujourd’hui, je le sens moins gai. Alors que je me prépare à monter en voiture, il laisse même paraître un certain vague à l’âme.
– Pendant toute sa vie, on ne fait que travailler. Le soir, on rentre et on n’a envie de rien. Pendant ce temps-là, les enfants grandissent. Et finalement, on se rend compte qu’on ne les connaît même pas…
Plus tôt, il m’avait parlé de ses parents. De leur apparente absence de sentiments à son égard, à une époque où, de toute façon, on affichait peu sa tendresse.
– Je me demande s’ils nous aimaient ?
Mais maintenant, les doutes ont changé de place.
– Si ça se trouve, mes enfants se posent la même question à propos de moi…
Manifestement, il en est désolé. Attristé. Inquiet à l’idée que le travail d’écriture que nous réalisons ensemble ne réponde pas à toutes leurs attentes. Il me faut le rassurer : c’est un beau cadeau qu’il est en train de leur faire !
Certes, comme le chantait Barbara, le temps perdu ne se rattrape guère, mais s’écrire ainsi, à cœur ouvert, peut aider bien des blessures du passé à guérir.