Depuis dix ans qu’il vit en France, il a enchaîné les petits boulots pour finir à l’usine. Opérateur sur machine. Un beau titre, mais un travail épuisant, debout à longueur de journée, qui le fait de plus en plus souffrir : dans ses jambes, la circulation sanguine ne se fait plus correctement. Il rêve de renouer avec son métier d’origine – qu’il exerçait en Afrique – celui de comptable. Mais pour cela, il doit reprendre le chemin de l’école : sa formation n’est pas reconnue en France.
– Je veux passer un bac pro compta. Mon employeur est d’accord. J’ai un congé formation. Le seul problème, c’est que je dois fournir une lettre de motivation… et je ne sais pas trop comment la tourner.
Il me raconte son parcours. Le départ, encore bébé, de son pays natal en guerre. Sa jeunesse dans le pays voisin, francophone, où il s’est formé à la comptabilité. Le retour à l’âge adulte dans son pays d’origine. L’obligation d’apprendre une nouvelle langue. Ses années à travailler pour une ONG française. La décision, difficile, d’émigrer en Europe pour offrir une vie meilleure à ses enfants : chez lui, sa sécurité n’était plus assurée.
– Avec ma femme, on a pris ce qu’on trouvait, comme travail. Elle fait des ménages et moi, je suis à l’usine. Mais ça ne peut plus durer. Pas seulement à cause de mes problèmes de santé, mais aussi parce que je veux faire quelque chose de plus intéressant. Après tout, mon domaine, c’est la comptabilité !
Les semaines passent. Un beau jour, le téléphone sonne. Un accent ensoleillé résonne à mes oreilles : c’est lui.
– Je viens de commencer ma formation. C’est super cool ! Je voulais vous remercier. Vous êtes vraiment un génie !
Le génie de la lampe, sans doute