Monsieur M. est peintre. Peintre de l’imaginaire, tel qu’il aime à se définir lui-même. Il vit seul avec son chien Rififi depuis la mort accidentelle de sa femme, il y a une douzaine d’années. Dans son appartement, une pièce a été transformée en atelier. À chacune de mes visites, il m’y conduit pour me présenter ses travaux en cours. Je ne suis pas critique d’art, pourtant. Loin s’en faut ! Mais il aime que je lui donne mon avis, ce que je fais d’autant plus volontiers que l’univers de ses toiles colorées me ravit.
Il y a quelques semaines, il m’a demandé de lui rédiger les textes d’un catalogue présentant son œuvre. De fil en aiguille, j’en suis venue à m’occuper également de la mise en page et lui ai remis sur CD un document prêt à imprimer.
La dernière fois que nous nous sommes vus, il avait dû amener son chien chez le vétérinaire. Le pauvre Rififi s’était mis à perdre beaucoup de sang. Monsieur M. se sentait perdu sans ce « merveilleux petit chien » qui lui tenait compagnie depuis douze ans.
Monsieur M. a fait imprimer ses catalogues. Il est très content du résultat.
— Je voulais vous remercier encore pour la qualité de votre travail, me dit-il au téléphone. Le résultat est vraiment très bien.
Pourtant, je ne le sens pas très enthousiaste au bout du fil.
— Rififi est mort, me dit-il finalement. Il a fallu le piquer. Il souffrait trop et il n’y avait plus d’espoir. Ça me fait drôle, vous savez, de ne plus le voir à la maison… Parfois, je lui parle encore.
Bien sûr, nous n’allons pas écrire le récit de la vie de Rififi, mais je sens bien que ce coup de fil visait plus à me parler de lui qu’à commenter mon travail !