Il existe de ces phrases interminables, dont on ne sait pas vraiment si, un jour, finalement, on arrivera à en atteindre l’extrémité ; de ces phrases tarabiscotées qui, se perdant en descriptions de détails dérisoires ou en énumérations à la Prévert d’un univers plus ou moins imaginaire, vous donnent le vertige rien qu’à les parcourir et la nausée rien qu’à les déchiffrer ; de ces phrases qui vous font secouer la tête en pensant « décidément, ces écrivains, je ne les comprendrai jamais, pourquoi se donner tout ce mal pour compliquer les choses ? » et qui, vous dégoûtant à jamais de la lecture, vous amènent à abandonner un livre à peine entamé.
Il y en a d’autres, tellement courtes, cinglantes comme des gifles, aiguisées comme un poignard, qui vous laissent essoufflé et hagard. Épuisé comme après une course de vitesse. Des phrases balles de fusil. Des phrases sans verbe. Percutantes. Qu’on reçoit en pleine figure. Qui vous assomment.
Entre les deux, il y a toutes les autres. Celles qui se laissent aller parfois à des longueurs ou des langueurs de poésie rêveuse. Celles qui se veulent juste claires et précises. Celles qui sonnent tellement bien à l’oreille qu’on aime les relire lentement à voix haute. Celles qui font sourire. Qui évoquent des images tellement nettes dans la mémoire du lecteur qu’il a l’impression « d’y être »…
Chaque écrivant a son style, son tempo, sa propre respiration.
Et si le secret du plaisir du lecteur, c’était d’utiliser toutes ces phrases, en en saupoudrant son texte, comme l’on ferait de différents épices dans sa cuisine ?