A mots déliés




Récit de vie



Extrait 1

Note : cet extrait est reproduit avec l'autorisation de son auteur.

     Nous avons toujours voulu avoir des enfants. Pour moi, c'était une évidence : peu de temps après notre mariage nous aurions le premier. Ensuite, il y en aurait un deuxième. Nous aurions un garçon et une fille et nous formerions la plus heureuse des familles...
     Nous nous sommes mariés le 9 août 1997. Dès le mois de juillet suivant, j'étais enceinte et ce fut une joie énorme, tant pour mon mari que pour moi.
     Cet été-là, en vacances au bord de la mer, nous nous mîmes à réfléchir à des prénoms pour notre futur enfant. Comme dans beaucoup de lieux touristiques, il y avait des bols ou des bracelets personnalisés avec des prénoms ; cela nous servit de point de départ.
     Si nous avions un garçon, mon mari souhaitait l'appeler K. Je n'aimais pas particulièrement ce prénom, mais n'avais pas de préférence pour un autre. Par contre, si nous avions une fille, je voulais qu'elle s'appelle C. ou P.
     À notre retour de vacances, comme beaucoup de futurs parents, nous fîmes une liste, mais nos premières idées tenaient bon. Très vite, nous nous sommes donc mis à appeler notre future fille P.

     La première éhographie de contrôle avait été fixée au 4 septembre. J'avais rendez-vous chez un gynécologue et je m'y rendis seule. Ce n'était pas une très bonne idée, car le moins que l'on puisse dire, c'est que cette consultation ne se passa pas très bien !
     Après un entretien général sur mon état de santé et le suivi de ma grossesse, le médecin me demanda de me déshabiller et de m'installer en salle d'échographie.
     Là, j'attendis. Je le trouvais bien un peu long, mais ce n'est qu'en le voyant arriver accompagné d'une autre patiente que je compris qu'il m'avait tout bonnement oubliée... Son air surpris et l'exclamation qui lui échappa ne laissaient aucun doute là-dessus.
     « Ah, mince ! Vous éiez là ! »
     Sur le moment, je ne le pris pas trop mal : j'étais trop heureuse d'être enceinte pour m'offusquer de ce genre de détail ! Mais cela devait s'avérer révélateur d'un certain manque d'humanité...

     En effet, dès le début de l'échographie, il m'annonça sans ménagement :
     « Oh là ! Il y a un problème ! »
     Et comme je lui demandais ce qu'il y avait, il répondit :
     « L'œuf est vide. Vous avez un œuf clair. »
     À ce moment-là, j'ai beau être infirmière, je ne savais pas ce que cela voulait dire. Mais quand je compris que cela signifiait qu'il n'y aurait pas de bébé, je fondis en larmes.
     « Allons, ne vous plaignez pas, intervint le gynécologue, ce sont ces œufs-là qui font des enfants trisomiques. »
     S'il espérait me remonter le moral, c'était raté...
     Le choix qui s'offrait alors à moi était simple : soit le médecin procédait à un curetage, soit j'attendais que mon corps évacue de lui-même cet œuf qui ne produirait jamais d'embryon.
     Je devais décider tout de suite. Il fallait donc que je le fasse seule... La perspective de garder dans mon ventre un œuf stérile me paraissant alors trop pénible, je pris rendez-vous dès la semaine suivante pour un curetage.
     Quand je rentrai chez moi, j'étais totalement décomposée... Mon mari s'en est toujours voulu de ne pas avoir été avec moi ce jour-là, parce que cela a été super dur. Encore aujourd'hui, d'y repenser, c'est difficile...
     La semaine suivante, je retrouvai le même médecin : c'était lui qui se chargeait du curetage. L'intervention fut rapide et il me renvoya à la maison avec pour seule consigne de réessayer.

     C'est ce que nous fîmes, bien sûr. Mais sans succès : les mois passaient et je n'étais toujours pas enceinte. Cela commençait à me miner le moral.
     Comme les choses ne s'étaient pas très bien passées avec le gynécologue qui m'avait suivie la première fois, je décidai d'en changer et de m'adresser à un autre professionnel, installé ailleurs.
     Celui-ci décida de me faire une prise de sang pour établir un bilan hormonal de stérilité.
     Comme j'avais beaucoup de problèmes de dos depuis quelque temps, j'avais pris rendez-vous le même jour pour passer un scanner.
     Ce matin-là, lorsque j'arrivai chez le gynécologue, il se trouva que je perdais du sang. La consultation se déroula malgré tout normalement.
     L'après-midi, j'attendais mon tour pour le scanner lorsque mon regard fut attiré par une affiche placardée au mur. En substance, il était écrit : « si vous êtes enceinte, signalez-le à l'accueil ». En moi-même je pensai que cela ne risquait pas de m'arriver, étant donné les problèmes que nous avions, mon mari et moi, pour démarrer une nouvelle grossesse...
     En sortant du scanner, j'avais un message sur mon portable de la secrétaire du gynécologue qui cherchait à me joindre de toute urgence. Inquiète, je la rappelai aussitôt. Là, j'appris que le bilan sanguin réalisé le matin même avait montré que j'étais enceinte. Or je perdais du sang ! Ce n'était pas normal. Encore une fois, il y avait un problème.


Florence Clerfeuille - À mots déliés - 06 99 51 46 71 - contact@amotsdelies.com
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