Le début de cette histoire se trouve ici. Le Vieux qui lisait dans le sable est l’une des onze nouvelles qui composent Fragments de Sud.
Sur le chemin du retour, Rémi et moi ne pouvons nous empêcher d’échafauder toutes sortes de suppositions. Le Vieux a parlé d’une nouvelle importante. Mais quel genre de nouvelle ? En rapport avec ce voyage que nous sommes en train de faire ou pas du tout ?
— Il a dit qu’on allait trouver ce qu’on cherche.
— Et on cherche quoi, à ton avis ?
— Ben, je ne sais pas trop…
Dès notre retour, je dois aller travailler en Suisse. Mon contrat n’est pas encore signé. Se pourrait-il que cette grande nouvelle ait un lien avec cet emploi ?
Niam n’intervient pas dans la discussion : il se contente de sourire.
— Qu’est-ce que tu en penses ? lui demande Rémi.
— Ce que je pense n’a aucune importance, répond-il. Le secret du Vieux, c’est ça : vous amener à vous poser des questions auxquelles vous n’auriez peut-être pas pensé auparavant. Et vous donner des éléments de réponse que vous comprendrez en temps voulu.
— Dans un mois ?
Je n’ai pas pu m’empêcher de laisser percer un peu d’ironie dans ma voix. Niam ne la relève pas.
— Dans un mois, oui.
Plusieurs semaines ont passé. Combien exactement ? À vrai dire, je ne sais pas du tout. Dubiti est déjà loin dans mes souvenirs et la curiosité suscitée par les paroles sibyllines du Vieux a fini par s’estomper. Nous avons continué à voyager et à faire des rencontres, toutes plus étonnantes et enrichissantes les unes que les autres. Comment retenir l’intensité de tous ces instants ?
Nous voilà désormais au Togo. Très exactement à Lomé, la capitale. Le décor est bien différent. Certes, le sol de la cour est toujours sablonneux. Mais la maison est en dur – il y a même la climatisation – et un grand portail métallique la sépare de la rue. Allongés dans des hamacs, à l’extérieur, nous écoutons, sur les ondes courtes, Radio France International.
Il est question de grèves à la poste, en France. Près d’un mois que le courrier ne serait plus distribué ! Mes parents doivent commencer à s’inquiéter : le départ de leur petite dernière pour l’Afrique, cette terre dont ils ne connaissaient rien, n’avait pas été pour les rassurer. Alors sans nouvelles depuis un mois…
— Passe-leur un coup de fil ! propose Rémi.
Le temps d’aller jusqu’à la poste centrale et de trouver un téléphone permettant de joindre l’étranger, la voix familière de ma mère retentit bientôt à mes oreilles. J’en éprouve un plaisir dont la fulgurance me couperait presque la parole, mais n’ai pas le temps de m’appesantir sur mes émotions : il faut donner des nouvelles. Rassurer tout le monde.
— Et vous, ça va ?
Un silence étrange me répond. Puis cette phrase :
— Ton père est mort la semaine dernière.
Comme un coup violent dans l’estomac.
En un éclair, tout me revient : le Vieux, ses dessins dans le sable, sa question sur mes parents, la grande nouvelle qu’il m’avait promise… J’avais oublié ; je n’aurais pas dû.
FIN
Le Vieux qui lisait dans le sable est l’une des onze nouvelles qui composent le recueil Fragments de Sud.
Elle vous a plu ? Achetez le livre sur Kindle et dites aux autres ce que vous en avez pensé 🙂
P.-S. : Fragments de Sud existe aussi en papier. Achetez-le sur mon site d’auteur.
Bonjour Florence,
Quelque chose me dit qu’il y a beaucoup de vous dans cette histoire. Vous avez remarquablement su amener la chute : le coup de poing dans l’estomac, je crois bien que je l’ai ressenti moi aussi…
Bravo et merci !
Geoffroy
Bonsoir Geoffroy,
Beaucoup de vécu, en effet, tant dans le voyage que dans l’annonce de la mort de mon père… mais pas QUE du vécu ! C’est toute la magie de l’écriture 🙂
Je n’ose pas vous dire que je suis heureuse que vous ayez ressenti le coup dans l’estomac. J’espère qu’il ne vous a pas fait trop mal 😉
Bien amicalement
Florence